QUELLE ATTITUDE EN TEMPS DE PERSECUTION
ET DE PRIVATION
DE SACREMENTS ? – 3
LE SACREMENT DE PENITENCE
SANS MINISTRE DU SEIGNEUR :
SE CONFESSER A DIEU
Entourés des
extrémités qui sont les épreuves des saints, si nous ne pouvons confesser
nos péchés aux prêtres, confessons-les à Dieu. Je sens, mes enfants, votre
délicatesse et vos scrupules : qu’ils cessent et que votre amour pour la
croix augmente. Dites-vous à vous-mêmes et, par votre conduite dites à tous
ceux qui vous verront ce que disait saint Paul : « Qui me séparera de
la charité de Jésus-Christ ? » (Romains VIII, 35)
Saint Paul était
alors dans votre position et il ne disait pas que la privation de tout
ministres du Seigneur, où il pouvait se trouver, pouvait le séparer de l’amour
de Jésus-Christ et altérer en lui la charité : il savait que, dépouillé de
tout secours humain et privé de tout intermédiaire entre lui et le ciel, il
trouverait dans son amour, dans son zèle pour l’Evangile et dans la croix, tous
les sacrements et les moyens nécessaires pour y parvenir.
De ce que je
viens de dire, il vous ait aisé de voir une grande vérité, bien propre à nous
consoler et à vous donner courage : c’est que votre conduite est une vraie
confession devant Dieu et devant les hommes. Si la confession doit
précéder l’absolution, ici votre conduite doit précéder les grâces de sainteté
et de justice que Dieu nous dispense, et c’est une confession publique et
continuelle. La confession est nécessaire, dit saint Augustin, parce qu’elle
renferme la condamnation du péché ; ici, nous le condamnons d’une manière
publique et si solennelle qu’elle est connue de toute la terre, et cette
condamnation, qui est cause que nous ne pouvons approcher d’un prêtre,
n’est-elle pas plus méritoire qu’une accusation de péché particulière et faite
en secret ? La confession secrète de nos péchés au prêtre nous coûtait
peu, et celle que nous faisons aujourd’hui est soutenue par le sacrifice
perpétuel de nos biens, de notre liberté et de notre repos, de notre réputation
et peut-être même de notre vie !
La confession que
nous faisons au prêtre n’était guère utile qu’à nous, au lieu que celle que
nous faisons à présent est utile à nos frères et peut servir à toute l’Eglise.
Dieu nous fait, tout indignes que nous sommes, la grâce de vouloir se servir de
nous pour montrer que c’est un crime énorme d’offenser la vérité et la justice,
et notre voix sera d’autant plus intelligible que nous souffrirons de plus
grands maux avec plus de patience.
Notre exemple dit
aux fidèles qu’il y a plus de mal qu’on ne pense à faire ce que l’on exige de
nous. Nous ne nous confessons pas d’un péché, mais confessons la vérité, ce qui
est la confession la plus noble et la plus nécessaire dans les circonstances
présentes. Nous ne confessons pas nos péchés en secret : nous confessons
la vérité en public ! Nous sommes persécutés, mais la vérité n’est point
captive et nous avons cette consolation, dans l’injustice que nous souffrons,
que nous ne retenons pas la vérité de Dieu dans l’injustice, comme dit l’Apôtre
des nations, et que nous apprenons à nos frères à ne l’y point retenir. Enfin, si nous
ne confessons point nos péchés, l’Eglise les confesse pour nous.
Telles sont les
règles admirables de la Providence qui permet ces épreuves pour nous faire
mériter et nous faire réfléchir sérieusement sur l’usage que nous avons fait
des sacrements.
L’habitude de la
facilité que nous avions de nous confesser nous laissait souvent dans la
tiédeur, au lieu qu’à présent, privés de confesseurs, on se replie sur soi-même
et la ferveur augmente. Regardons cette privation comme un jeûne pour nos âmes
et une préparation à recevoir le baptême de la pénitence qui, vivement désiré,
deviendra une nourriture plus salutaire. Tâchons d’éloigner de notre conduite
qui est notre confession devant les hommes et notre accusation devient Dieu,
tous les défauts qui peuvent s’être glissés dans nos confessions ordinaires,
surtout le peu d’humilité intérieure.
Ce que j’ai dit
est plus que suffisant, cependant, je ne sais si j’aurai réussi à vous
tranquilliser sur les anxiétés et les scrupules que la délicatesse élève dans
une âme réduite à se juger elle-même et à se diriger d’après ses propres
mouvements.
Je sens, mes
enfants, toute l’importance de votre sollicitude, mais, quand on se fie à Dieu,
il ne faut pas le faire à demi : ce serait manquer de confiance que de
regarder les moyens par lesquels Dieu appelle et conserve, incomplets et
laissant quelque chose à désirer dans l’ordre de la grâce. Vous trouviez dans
la sagesse, la maturité et l’expérience des ministres du Seigneur, des conseils
et des pratiques efficaces pour éviter le mal, faire le bien et avancer dans la
vertu, tout cela ne tient point au caractère sacramentel, mais aux lumières
particulières : un ami vertueux, zélé et charitable peut être en ce point
votre juge et votre directeur. Les personnes
pieuses n’allaient pas seulement chercher au tribunal des instructions et des
lumières : elles s’ouvraient aux personnes remarquables par leur sainte
vie en des entretiens familiers. Faites de même ; mais que la charité la
plus directe règne dans ce commerce mutuel de vos âmes et de vos désirs ;
Dieu les bénira, et vous trouverez les lumières dont vous avez besoin. Si ce
moyen vous était impossible, reposez-vous sur les miséricordes de Dieu :
Il ne vous abandonnera pas, son esprit parlera lui-même à vos cœurs par des
aspirations saintes qui les enflammeront et les dirigeront vers les objets
augustes de vos destinées.
Vous me trouverez
concis sur ce sujet. Vos désirs vont bien au-delà ; mais un peu de
patience, le reste de ma lettre répondra entièrement à votre attente ; on
ne peut pas tout dire à la fois, surtout dans un sujet aussi délicat et qui
exige la plus grande exactitude. Je vais continuer de vous parler comme je me
parle à moi-même.
Eloignés des
ressources du sanctuaire et privés de tout exercice du sacerdoce, il ne nous reste
de médiateur que Jésus-Christ : c’est à Lui que nous devons recourir pour
nos besoins ; c’est devant sa majesté suprême que nous devons déchirer
sans ménagement le voile de nos consciences et, dans la recherche du bien et du
mal que nous avons fait, Le remercier de ses grâces, nous reconnaître coupables
de nos offenses…et prier ensuite qu’il nous pardonne et nous trace les sentiers
de sa volonté sainte (ayant dans le cœur le désir sincère de le faire à son
ministre quand et sitôt que nous le pourrons).
Voilà, mes
enfants, ce que j’appelle se confesser à Dieu. Dans une telle confession bien faite, Dieu
lui-même vous absoudra ! C’est l’Evangile qui nous l’apprend en nous
proposant l’exemple du publicain qui, humilié devant Dieu, s’en retourna justifié
puisque la meilleure marque de l’absolution, c’est la justice qui ne peut être
liée puisque c’est elle qui délie. Voilà ce que, dans l’isolement total où nous
sommes, nous devons faire. L’Ecriture Sainte nous trace, ici, nos devoirs.
Tout ce qui tient
à Dieu est saint : quand nous souffrons pour la vérité, nos souffrances
sont celles de Jésus-Christ qui nous honore d’un caractère particulier de
ressemblance avec Lui et avec sa croix. Cette grâce est le plus grand bonheur
qui puisse arriver à un mortel pendant sa vie.
C’est ainsi que
dans toutes les positions pénibles qui nous privent des sacrements, la croix
portée chrétiennement est la source de la rémission de nos fautes ; comme,
portée autrefois par Jésus-Christ, elle le fut des fautes de tout le genre
humain. Douter de cette vérité, c’est faire injure à notre Sauveur crucifié,
c’est ne reconnaître pas assez la vertu et le mérite de la croix !...
Dites-moi
serait-il possible que le bon larron ait reçu le pardon de ses fautes et que le
fidèle qui abandonne tout pour son Dieu n’y reçoit pas le pardon des
siennes ?
Des saints Pères
observent que le bon larron fut criminel jusqu’à la croix pour montrer aux
fidèles ce qu’ils doivent espérer de cette croix lorsqu’ils l’embrassent et y
demeurent attachés pour la justice et pour la vérité. Nous sommes ses
disciples, Il est notre modèle, souffrons comme lui et nous entrerons dans
l’héritage qu’il nous a préparé par la croix.
Mais pour être
sanctifié par la croix, il ne faut pas être à soi-même, il faut être tout à
Dieu ; il faut que notre conduite retrace les vertus de
Jésus-Christ : il ne suffit pas, dans ces moments, qu’animés de son amour,
vous vous reposiez sur son sein comme Saint-Jean ; il faut que vous le
serviez avec fermeté et constance sur le calvaire et sur la croix : là, en
nous confessons à Dieu, si votre confession è Dieu n’est pas couronnée par
l’imposition des mains des prêtres, elle le sera par l’imposition des mains de
Jésus-Christ. Voyez ses mains adorables qui paraissent si pesantes à la nature
et qui sont si légères à ceux qui l’aiment !...Elles sont étendues sur
vous depuis le matin jusqu’au soir pour vous combler de toutes sortes de
bénédictions si vous ne les repoussez pas vous-même. Il n’y a point de
bénédiction semblable à celle de Jésus-Christ crucifié quand il bénit ses
enfants sur la croix.
Le sacrement de
pénitence est pour nous, dans ce moment, le puits de Jacob, dont l’eau est
excellente et salutaire, mais le puits est profond ; dénués de tout, nous
ne pouvons y puiser et nous désaltérer ; des gardes même en défendent
l’entrée…Voilà la peinture de notre position. Regardons la conduite de nos
persécuteurs comme une punition de nos péchés ! Il est certain que si nous
pouvions approcher de ce puits avec foi, nous y trouverions Jésus-Christ
parlant à la Samaritaine. Mais ne perdons pas courage ! descendons jusque
dans la vallée de Béthulie, où nous trouverons plusieurs sources qui ne sont
pas gardées, où nous pourrons tranquillement étancher notre soif. Que
Jésus-Christ habite dans nos cœurs ! Que son Esprit Saint les enflamme, et
nous trouverons en nous cette source d’eau vive qui suppléera au puits de
Jacob. Jésus-Christ, comme souverain pontife, fait lui-même, d’une manière
ineffable, dans la confession que nous faisons à Dieu, ce qu’il aurait fait de
tout autre temps par le ministère des prêtres, et cette confession a un
avantage que les hommes ne peuvent nous ravir, c’est pourtant en nous
Jésus-Christ qui s’occupe de nous continuellement ! Nous devons le faire
dans tous les temps, dans les lieux et dans toutes les positions possibles.
C’est une chose digne d’admiration de voir que ce que le monde fait pour nous
éloigner de Dieu et de son Eglise nous en approche d’avantage.
La confession ne
doit pas être seulement un remède pour tous les péchés passés ; elle doit
être un préservatif pour les péchés à venir. Si nous réfléchissons sérieusement
sur cette double efficacité du sacrement de pénitence, nous pourrons avoir
beaucoup à nous humilier et à gémir ! Et nous y serons d’autant plus
fondés que notre avancement dans la vertu aura été plus lent et que nous nous
serons toujours trouvés les mêmes, avant et après nos confessions. Nous pouvons
actuellement réparer tous ces défauts qui venaient d’une trop grande confiance
dans l’absolution et de ce qu’on n’approfondissait pas assez ses
plaies !... Obligée maintenant de gémir devant Dieu, l’âme fidèle s’occupe
à considérer toutes ses difformités ; là, aux pieds du Sauveur, et
pénétrée de la douleur et du repentir, elle y reste dans le silence, ne lui
parlant que par des larmes, comme la pécheresse de l’Evangile voyant, d’un côté
ses misères et de l’autre, la bonté de Dieu. Elle s’anéantit devant sa majesté,
jusqu’à ce qu’elle dissipe ses maux par un de ses regards. C’est là que la lumière
divine éclaire son cœur contrit et humilié et lui découvre jusqu’aux atomes qui
peuvent l’obscurcir. Que cette confession à Dieu soit pour vous une pratique
journalière, courte mais vive, et que de temps en temps vous la fassiez depuis
une époque jusqu’à l’autre, comme chaque jour vous la faites de la journée (à
votre examen du soir).
Le premier fruit
que vous en retirerez, outre la rémission de vos péchés, ce sera d’apprendre à
vous connaître et à connaître Dieu.
Le deuxième,
d’être toujours présentés aux prêtres si vous le pouviez, ornés du caractère
des miséricordes du Seigneur.
Je crois avoir
dit, mes enfants, ce que je devais pour votre conduite à l’égard du sacrement
de pénitence. Je vais vous entretenir, maintenant, de la privation de
l’Eucharistie et, successivement, de tous les objets dont vous me parlez dans
votre lettre.
A suivre…« L’Eucharistie et l’extrême-Onction sans ministre du Seigneur »…Si Dieu veut)
NOTA BENE :
- La lettre ne comportant que le titre CONSOLATIONS, c’est
moi qui mets les sous-titres lors de chaque partie publiée.
René Pellegrini