Conversion de Marie-Madeleine de Magdala la pécheresse. Selon la tradition, chassée de Judée, par les Juifs, avec Marthe, Lazare, Maximin, Sidoine, Marie Jacobé et Salomé, ils évangélisèrent la Provence. LA SAINTETE - 2
« Mirabilis Deus Sanctis in Suis. »
« Dieu est admirable dans ses Saints. »
(Psaume LXVII, 36)
LES LIBERTINS
ET LA SAINTETE : PREMIERE INJUSTICE - 1
C’est tout le temps que la sainteté, et même la
plus solide et la plus vraie, a été en butte à la malignité des libertins et à
leur censure. C’est de tout temps qu’ils l’ont combattue comme ses plus
déclarés ennemis ; et c’est pour cela, ou qu’ils ont tâché de se persuader
et de persuader aux autres qu’il n’y a point dans le monde de vraie sainteté,
ou qu’ils ont au moins affecté, en la confondant avec la fausse, de la décrier.
Deux artifices dont ils se sont servis pour défendre, et, s’ils avaient pu,
pour autoriser leur libertinage contre la sainteté chrétienne, qui néanmoins a
toujours été et sera toujours, devant Dieu et devant les hommes, leur
condamnation. Deux artifices que saint Jérôme a subtilement démêlés dans une de
ses Epitres, où il s’explique ainsi : « Lacerant sanctum propositum, et nequitoe suoe remedium arbitrantur, si nemo
sit sanctus, si turba sit pereuntium, si omnibus detrahatur. »(1) Ce Père parlait en
particulier de certains esprits forts, qui, témérairement et sans respect,
blâmaient la conduite de sainte Paule, et le courage qu’elle avait eu de
quitter Rome pour aller chercher son salut dans la retraite et l’éloignement du
monde. Ces paroles sont remarquables, et d’autant plus dignes d’être pesées,
qu’elles expriment ce que nous voyons tous les jours arriver dans ce
siècle. Lacerant sanctum propositum : parce qu’ils raisonnent en mondains, disait saint Jérôme, ils
déchirent de leurs railleries, et même par leurs médisances, tout ce que les
serviteurs de Dieu font de plus édifiant et de plus louable pour honorer
Dieu. Et nequitoe suoe remedium arbitrantur si
nemo sit sanctus ; ils croient leur libertinage
bien à couvert, quand ils ont la hardiesse de soutenir qu’il n’y a point de
Saints sur la terre ; que ceux qu’on estime tels ont comme les autres
leurs passions et leurs vices, et des vices même grossiers ; que les plus
gens de bien sont comme eux dans la voie de la perdition, et qu’on a droit de
dire de tout le monde que tout le monde est corrompu et perverti. Non-seulement
ils soupçonnent que cela peut être, mais ils assurent que cela est ; et,
dans cette supposition, aussi extravagante que maligne, ils se consolent ;
comme si l’affreuse opinion qu’ils ont de tout le genre humain était la
justification de leur iniquité, et devait les guérir de tous les remords
intérieurs qu’ils auraient infailliblement à essuyer si le monde leur faisait
voir des hommes vraiment vertueux, et dont la vie exemplaire fût un reproche
sensible de leur impiété et de leurs désordres : Et nequitoe suoe remedium arbitrantur, si detrahatur omnibus. Prenez garde, s’il vous plaît, à la pensée de ce saint docteur.
La première injustice que le libertin fait à la
sainteté chrétienne est de ne la pas vouloir reconnaître, c’est-à-dire de
prétendre que ce qu’on appelle sainteté n’est rien moins dans les hommes que
sainteté ; que dans les uns c’est vanité, dans les autres
singularité ; dans ceux-ci dépit et chagrin, dans ceux-là faiblesse et
petitesse de génie ; et malgré les dehors les plus spécieux, dans
plusieurs imposture et hypocrisie. Car c’est ainsi, mes chers auditeurs, qu’on
en juge dans le monde, mais particulièrement à la cour, dans ce grand monde où
vous vivez, dans ce monde que je puis appeler l’abrégé du monde. Monde profane,
dont la malignité, vous le savez, est de n’admettre point la vraie vertu, de ne
convenir jamais du bien, d’être toujours convaincu que ceux qui le font ont
d’autres vues que de le faire, de ne pouvoir croire qu’on serve Dieu purement
pour le servir ni qu’on se convertisse purement pour se convertir ; de
n’en voir aucun exemple qu’on ne soit prêt à contester, de critiquer tout, et,
à force de critiquer tout, de ne trouver plus rien qui édifie. Malignité,
reprend saint Jérôme, injurieuse à Dieu et pernicieuse aux hommes : ne
perdez pas cette réflexion, qui vous peut être infiniment utile et salutaire.
Malignité injurieuse à Dieu, puisque par-là l’on
ôte à Dieu la gloire qui lui est due, en attribuant à tout autre qu’à lui les
œuvres dont il est l’auteur, comme nous apprenons de l’Evangile que les
pharisiens en usaient à l’égard du Fils de Dieu. Car que faisaient-ils ?
Ils imputaient à l’art magique les miracles de ce Dieu-Homme ; ils
disaient qu’il chassait les démons par la puissance de Beelzebub, le prince des
ténèbres. Et que fait-on à la cour ? On veut, et l’on veut sans distinction,
qu’un intérêt secret y soit le ressort, le motif de tout le bien qu’on y
pratique, de tout le culte qu’on y rend à Dieu, de toutes les résolutions qu’on
y prend de mener une vie chrétienne, de toutes les conversions qui y
paraissent, de toutes les réformes qu’on y aperçoit. On veut qu’une basse et
servile politique en soit le principe et la fin. On dit d’une âme touchée de
Dieu, et qui commence de bonne foi à régler ses mœurs qu’elle prétend quelque
chose, qu’il y a du mystère dans sa conduite, que ce changement est une scène
qu’elle donne ; mais que Dieu y a peu de part. Or l’un n’est-il pas
semblable à l’autre ? Et si le langage du pharisien à été un blasphème
contre Jésus-Christ, celui du monde qui juge et qui décide de la sorte est-il
moins injuste et moins criminel ?
Malignité pernicieuse aux hommes, puisque le
mondain se prive ainsi d’une des grâces les plus touchantes et, dans l’ordre de
la prédestination, les plus efficaces, qui est le bon exemple ; ou plutôt,
puisqu’autant qu’il dépend de lui il anéantit à son égard cette grâce du bon
exemple. Ces conversions, dont il est témoin, et qu’on lui propose pour le
faire rentrer en lui-même, n’ont plus d’autre effet sur lui que de lui faire
former mille raisonnements, mille jugements téméraires et mal fondés ; que
de lui faire profaner ce qu’il y a de plus saint par les railleries les plus
piquantes, et souvent même par les discours les plus impies. Dieu le permet,
pour punir en lui cet esprit d’orgueil qui le porte à s’ériger en censeur si
sévère de la sainteté. D’où il arrive que, bien loin de tirer aucun fruit des
exemples qu’il a devant les yeux, il s’endurcit le cœur, il se confirme dans
ses désordres, il demeure dans son impénitence, il s’y obstine, et se rend
encore plus incorrigible. Au lieu que les âmes fidèles marchent avec simplicité
dans les voies de Dieu, profitent du bien qu’elles supposent bien, au hasard
même de s’y tromper ; s’édifient des vertus, quoique douteuses, qui leur
paraissent vertus ; de ces exemples même contestés se font des leçons et
des règles, heureuses qu’il y en ait encore ; et, sans penser à les
combattre, bénissant Dieu de ce qu’il les suscite pour sa gloire, pour le bien
de ses élus, et pour la confusion du libertinage.
(A suivre…« Les libertins et la sainteté : Première injustice - 2 »…si Dieu veut)
René Pellegrini
(1) Ils déchirent continuellement la réputation de ceux qui ont pris
le parti de la piété, et s’imaginent remédier à leurs maux en censurant la
conduite de tout le monde et en grossissant le nombre de ceux qui vivent dans
le libertinage. (St Jérôme, lettre de réfutation des calomnies de ses ennemis,
écrite en 385)