LA CONFORMITE A LA VOLONTE DE DIEU
Mon ami (e), mon frère, ouvre bien ton cœur et ton intelligence car l’histoire
du Père Taulère que tu vas lire est l’application pratique, dans
l'adversité, de l’enseignement de #Notre-Seigneur. Le chemin le plus sûr
et le plus court de la vraie perfection : la conformité à la #volonté de
Dieu. A méditer par ceux qui se plaignent et réclament tous les secours de
la terre dès qu’une adversité se manifeste.
Le Père Taulère, pieux et savant religieux de l’Ordre de #Saint Dominique,
rapporte à ce sujet un exemple touchant. Animé d’un vif désir de faire des
progrès dans la vertu et ne se fiant pas à son savoir, il conjurait le
Seigneur, déjà depuis huit ans, de lui envoyer quelqu’un de ses serviteurs qui
lui enseignât le chemin le plus sûr et le plus court de la vraie #perfection.
Un jour qu’il ressentait ce désir plus vivement encore et qu’il redoublait ses
supplications, une voix se fit entendre qui lui disait : « Va à telle
Eglise et tu trouveras celui que tu cherches. » Le pieux docteur part
aussitôt. Arrivé près de l’Eglise indiquée, il trouve à la porte un pauvre
mendiant à demi couvert de haillons, les pieds nus et souillés de boue, d’un
aspect tout à fait digne de #pitié et qui semble devoir être plus occupé
d’obtenir des secours temporels que propre à donner des avis spirituels.
Cependant, Taulère l’aborde et lui dit : « Bonjour, mon ami. » - Maître - répond le mendiant – je vous remercie de votre souhait ; mais je ne me souviens pas d’avoir jamais eu de mauvais
jours. » - « Eh
bien ! » - reprend Taulère – que Dieu vous accorde une vie
heureuse. » - « Oh ! – dit le mendiant – grâce au Seigneur, j’ai toujours été heureux ! Je ne
sais pas ce que c’est d’être malheureux. »
- « Plaise à Dieu, mon frère – reprend de nouveau Taulère étonné –
qu’après le bonheur dont vous dîtes que vous jouissez, vous parveniez encore à
la #félicité éternelle. Mais je vous avoue que je ne saisis pas très bien le
sens de vos paroles, veuillez donc me l’expliquer plus clairement. »
« Ecoutez – poursuit le mendiant – non, ce n’est point sans raison
que je vous ai dit que je n’ai jamais eu de mauvais jours, les jours ne sont
mauvais que quand nous ne les employons point à rendre à Dieu, par notre
soumission, la gloire que nous Lui devons ; ils sont toujours bons si,
quelque chose qui nous arrive, nous les consacrons à le louer et nous le pouvons
toujours avec la grâce. Je suis, comme vous voyez, un pauvre mendiant tout
infirme et réduit à une extrême indigence, sans aucun appui ni abri dans le
monde, je me vois soumis à bien des #souffrances et à bien des #misères de
toute sorte. Eh bien ! Lorsque je ne trouve pas d’#aumônes et que j’endure
la faim, je loue le bon Dieu ; quand je suis importuné par la pluie ou la
grêle ou le vent ou la poussière et les insectes, tourmenté par la chaleur ou
par le froid, je bénis le bon Dieu ; quand les hommes me rebutent et me
méprisent, je bénis et glorifie le Seigneur. Mes jours ne sont donc pas
mauvais, car ce ne sont point les adversités qui rendent les jours
mauvais ; ce qui les rend tels, c’est notre impatience, laquelle provient de ce que, notre
volonté est rebelle, au lieu d’être soumise et de s’exercer, comme elle le doit, à honorer et à louer Dieu continuellement. »
« J’ai dit,
en outre, que je ne sais ce que c’est que d’être malheureux, qu’au contraire, j’ai toujours été heureux. Cela vous
étonne. Vous allez en juger vous-même. N’est-il pas vrai que nous nous
estimerions tous très heureux, si les choses qui nous arrivent étaient
tellement bonnes et favorables qu’il nous fût impossible de rien souhaiter de
mieux, de plus avantageux ? Que nous tiendrions pour bienheureuse une
personne dont toutes les volontés s’accompliraient sans obstacles, dont tous
les désirs seraient toujours satisfaits ? Sans doute, aucun homme ne
saurait, en vivant selon les maximes du monde, arriver à cette félicité
parfaite ; il est même réservé aux habitants du ciel, consommés dans
l’union de leur volonté avec celle de Dieu, de posséder pleinement une telle #béatitude.
Cependant, nous sommes appelés à y participer dès ici-bas, et
c’est au moyen de la conformité de notre volonté à la volonté de Dieu qu’il
nous est donné d’avoir ainsi part à la félicité des élus. La pratique de cette conformité est, en effet, toujours
accompagnée d’une paix délicieuse, qui est comme un avant-goût du #bonheur céleste.
Et il n’en peut être autrement, car celui qui ne veut que ce que Dieu veut ne
rencontre plus aucun obstacle à sa volonté, tous ses désirs, n’ayant rien que
de conforme au bon plaisir de Dieu, ne sauraient manquer d’être
satisfaits ; il est donc bienheureux. »
« Hé ! Mon Père, tel que vous me voyez, je jouis toujours de ce bonheur.
Rien ne nous arrive, vous le savez, que Dieu ne le veuille ; et ce que
Dieu veut est toujours ce qu’il y a de mieux pour nous. Je dois donc m’estimer
heureux, quoi que ce soit que je reçoive de Dieu ou que Dieu permette
que je reçoive des hommes. Et comment n’en serais-je pas
heureux, persuadé, comme je le suis, que ce qui m’arrive est précisément ce
qu’il y a pour moi de plus avantageux et de plus à propos ? Je n’ai
qu’à me rappeler que Dieu est mon Père et que je suis son enfant. Un Père infiniment sage, infiniment bon et tout-puissant sait
bien ce qui convient à ses enfants et
ne manque pas de le leur donner. Ainsi, que les choses qui m’arrivent répugnent
aux #sentiments de la nature ou qu’elles les flattent, qu’elles soient
assaisonnées de douceur ou d’amertume, favorables ou nuisibles à la #santé,
qu’elles m’attirent l’estime ou le mépris des hommes, je les reçois comme
ce qu’il y a, dans la circonstance, de plus convenable pour moi et j’en suis
aussi content que peut l’être celui dont tous les goûts sont pleinement
satisfaits. Voilà comment tout m’est sujet de joie et de bonheur. »
Emerveillé de la profonde #sagesse et de la haute perfection de ce mendiant,
le théologien lui demande : « D’où venez-vous ? » - Je viens de Dieu,
répond le pauvre. – « Vous venez de Dieu ! Et où l’avez-vous rencontré ? » Là où j’ai quitté les créatures.
- Et où demeure-t-il ? – Dans les cœurs purs et les âmes de bonne volonté. – Mais qui êtes-vous donc ?
– Je
suis roi. – Ha ! Où
est votre royaume ? – Là-haut, dit-il, en montrant le ciel ; celui-là
est roi, qui possède un titre certain au #royaume de Dieu, son Père. – Quel est, demande enfin
Taulère, le maître qui vous a enseigné une si belle doctrine ? Comment l’avez-vous acquise ? – Je vais vous le dire, répond le mendiant : « Je l’ai acquise en évitant de parler aux hommes, pour
m’entretenir avec Dieu dans la #prière et la #méditation ; mon unique soin
est de me tenir constamment et intimement uni à Dieu et à sa volonté sainte.
C’est là toute ma science et tout mon bonheur. »
Taulère savait désormais ce qu’il voulait savoir. Il prit congé de son
interlocuteur et s’éloigna. « J’ai donc enfin trouvé - dit-il, une fois
livré à ses réflexions – j’ai enfin trouvé celui que je cherchais depuis si
longtemps. Oh ! Combien elle est vraie la parole de #Saint Augustin :
« Voilà que les ignorants se lèvent et ravissent le
ciel ; et nous, avec notre science aride, nous restons embourbés dans la
chair et le sang. »
Extrait de : « La divine Providence »
(Par le Père Saint-Jure et le Bienheureux Claude la
Colombière)
René
Pellegrini