Pie
XII (1876-1958) Pontificat de 1939 a 1958
ANTILIBERALISME - 6
LE LIBERALISME EST UN PECHE – 6
« Pendant qu’il était
à Jérusalem pour la fête de Pâque, beaucoup crurent en son nom, voyant les
miracles qu’il faisait. Mais Jésus ne se fiait pas à eux, parce qu’il les
connaissait tous. » (Saint Jean
II,23,24)
« Maudit soit l’homme
qui se confie dans l’homme, qui se fait un bras de chair, et dont le cœur se
retire du Seigneur » (Jérémie XVII,5)
COMMENT
SE DIRIGER AVEC PLUS DE SÛRETE AUJOURD’HUI ? – 2
LE
CATHOLIQUE ENTACHE DE LIBERALISME
Il se reconnaît à ceci : Homme de
bien et de pratiques sincèrement religieuses il exhale néanmoins une odeur de
libéralisme par tout ce qu’il dit, écrit, ou tient entre ses mains. Il pourrait
dire à sa manière, comme Madame de Sévigné : « Je ne suis pas la rose, mais
je m’en suis approché et j’ai pris quelque chose de son parfum. »
Ce brave homme raisonne, parle et agit
comme un libéral sans qu’il s’en doute. Son fort c’est la charité, il est la
charité même. De quelle horreur il est rempli pour les exagérations de la
presse ultramontaine ! Traiter de méchant l’homme qui répand de mauvaises
idées, c’est aux yeux de ce singulier théologien pécher contre le Saint-Esprit.
Pour lui il n’y a que des égarés. On ne doit ni résister ni combattre ; ce
qu’il faut sans cesse s’efforcer de faire c’est d’attirer. Etouffer le mal sous
l’abondance du bien, c’est sa formule favorite, lue un jour par hasard dans
Balmès, et la seule chose qu’il ait retenue du grand philosophe catalan.
De l’Evangile, il cite seulement les
textes à saveur de sucre et de miel. Les effrayantes invectives contre le
pharisaïsme lui font, on le dirait, l’effet de bizarreries et d’excès de
langage chez le divin Sauveur. Ce qui ne l’empêche pas de s’en servir fort bien
lui-même, et très durement, contre ces agaçants ultramontains qui compromettent
chaque jour par leur défaut de mesure la cause d’une religion toute de paix et
d’amour.
Contre eux ce teinté de libéralisme
d’ordinaire si doux se montre acerbe et violent.
Contre eux son zèle est amer, sa polémique
est aigre, sa charité agressive. C’est à lui que s’adressait le Père Félix,
dans un discours célèbre où à propos des accusations dont l’éminent Louis
Veuillot (1) était l’objet, il s’écriait :
« Messieurs, aimons et
respectons jusqu’à nos amis. » Mais non, notre homme à teinte libérale
n’agit pas de la sorte. Il garde tous les trésors de sa tolérance et de sa
charité pour les ennemis jurés de sa foi ! Quoi de plus naturel, le pauvre
homme ne veut-il pas les attirer ? En échange, par exemple, il n’a que
sarcasmes et cruelle intolérance pour les plus héroïques défenseurs de cette
même foi.
En résumé, ce teinté de libéralisme n’a
jamais pu comprendre l’opposition Per Diametrum dont parle saint Ignace
dans les Exercices spirituels. Il ne connaît pas d’autre tactique que celle
d’attaquer par le flanc, tactique qui, en religion, peut être la plus commode,
mais qui n’est point la plus décisive. Il voudrait bien vaincre, mais à la
condition de ne pas blesser l’ennemi, de ne lui causer ni mortification, ni
ennui. Le seul mot de guerre lui agace les nerfs et il donne toutes ses
préférences à la pacifique discussion. Il est pour les cercles libéraux dans
lesquels on pérore et on délibère, et non pour les Associations ultramontaines
dans lesquelles on dogmatise et on blâme…En un mot, si on reconnaît le libéral
exalté et le libéral modéré à leurs fruits, c’est principalement par ses affections
que l’homme à teinte libérale se fait reconnaître.
Ces traits mal profilés, qui ne vont pas
jusqu’au dessin, ni même jusqu’au croquis, encore moins jusqu’à un véritable
portrait, suffisent cependant à faire discerner promptement les types de la
famille libérale à leurs degrés divers.
Pour résumer en quelques mots le trait le
plus caractéristique de leur respective physionomie, nous dirons que :
- le
libéral exalté rugit son libéralisme,
- le
libéral modéré le pérore, et que
- le
pauvre libéral teinté le soupire et le gémit.
« Tous sont pires » comme disait de ses
parents le coquin du conte populaire. Néanmoins il faut reconnaître que :
- le
premier (libéral exalté) est souvent paralysé dans son action par sa propre
fureur ;
- le
troisième de condition hybride (libéral teinté) est par sa nature stérile et
infécond, tandis que
- le
deuxième (libéral modéré) est le type satanique par excellence. Il est à notre
temps la véritable cause des dévastations libérales.
René
Pellegrini
(1)
Louis Veuillot (1813-1883) - Journaliste et homme de lettres français,
Catholique fervent. Défenseur de l’enseignement privé et de l’infaillibilité
pontificale.