LE SACREMENT DE PENITENCE
SANS MINISTRE DU SEIGNEUR :
FOI EN JESUS-CHRIST ET ACCEPTER SA CROIX
Les chrétiens qui
ne vivent que de la foi ne vivent que par la foi. Si vous fûtes unis par ce
lien aux ministres du Seigneur que vous respectez, consolez-vous : leur
absence purifie et avive l’amitié qui vous unit. La foi nous rend présents ceux
que nous aimons dans les rapports à notre salut, quelles que soient les
distances et les chaînes qui les séparent de nous ; la foi nous donne des
yeux si perçants que nous pouvons les voir quelque part qu’ils soient :
quand ils seraient aux extrémités de la terre, où même que la mort les
séparerait de nous. Rien n’est éloigné de la foi ; elle pénètre au plus
profond de la terre, comme au plus haut des cieux. La foi est au-dessus des
sens, et son empire est au-dessus du pouvoir des hommes. Qui peut nous ôter
le souvenir ? Qui peut nous empêcher de nous présenter devant Dieu avec
ceux que nous aimons ? Il ne suffit pas, mes chers enfants, de vous consoler
sur l’absence des ministres du Seigneur, d’étancher les larmes que vous
répandez sur leurs chaînes. Cette perte vous privant des sacrements et des
consolations spirituelles, votre piété s’alarme ! Elle se voit isolée.
Quelque légitime que soit votre désolation, n’oubliez pas que Dieu est votre
père et que s’il permet que vous soyez privés des médiateurs qu’il avait
établis pour dispenser ses mystères, il ne ferme pas pour cela les canaux de
ses grâces et de ses miséricordes. Je vais vous les offrir comme les seules
ressources auxquelles nous puissions recourir pour nous purifier. Lisez ce que
je vais écrire avec les mêmes intentions que j’ai eues en écrivant : ne
cherchons que la vérité et notre salut dans l’abnégation de nous-mêmes, dans
notre amour pour Dieu et notre parfaite soumission à sa volonté.
Vous connaissez
l’efficacité des sacrements ; vous savez l’obligation qui nous est imposée
de recourir au sacrement de pénitence pour nous purifier de nos péchés. Mais,
pour profiter de ces canaux de miséricorde, il faut des ministres du Seigneur.
Dans la position où nous sommes : sans culte, sans autel, sans
sacrifice, sans prêtre, nous ne voyons que le ciel ! et nous n’avons
plus de médiateur parmi les hommes !...Que cet abandon ne vous abatte
point : la foi nous offre Jésus-Christ, ce médiateur immortel ;
il voit notre cœur, il entend nos désirs, il couronne notre fidélité ;
nous sommes, aux yeux de sa miséricorde toute-puissante, ce malade de
trente-huit ans auquel il dit, pour le guérir, non de faire venir quelqu’un qui
le jette dans la piscine, mais de prendre son lit et de marcher…
Si les événements
de la vie varient de même nos obligations : autrefois nous étions ces
serviteurs qui avaient reçu cent talents : nous avions l’exercice paisible
de notre religion. Actuellement, nous n’avons qu’un seul talent, qui est notre
cœur : faisons-le fructifier et notre récompense sera égale à celle que
nous aurions reçue si nous en avons fait fructifier davantage. Dieu est
juste ; il ne demande pas de nous l’impossible ; mais parce qu’il
est juste, il demande de nous la fidélité dans ce qui est possible.
Plein de respect pour les lois divines et ecclésiastiques, qui nous
appellent au sacrement de pénitence, je dois vous dire qu’il est des circonstances
où ces lois n’obligent pas ; il est essentiel pour votre instruction
et votre consolation que vous connaissiez bien ces circonstances afin de ne pas
prendre votre propre esprit pour celui de Dieu.
Les circonstances
où ces lois n’obligent pas sont celles où la volonté de Dieu se manifeste
pour opérer votre salut, sans l’intermédiaire des hommes. Dieu n’a besoin
que de Lui pour nous sauver, quand Il le veut. Il est la source de la vie et il
supplée à tous les moyens ordinaires qu’Il a établis pour opérer notre salut,
par des moyens que sa miséricorde nous dispense selon nos besoins. C’est un
père tendre qui, par des moyens ineffables, secourt ses enfants lorsque, se
croyant abandonnés ils ne cherchent que Lui et ne soupirent que pour Lui.
Si dans le cours
de notre vie nous avions négligé le moindre des moyens que Dieu et son Eglise
ont établis pour nous sanctifier, nous aurions été des enfants ingrats ;
mais si nous allions croire que dans des circonstances extraordinaires nous ne
pouvons nous passer même des plus grands moyens, nous oublierions et nous
insulterions la sagesse divine, qui nous éprouve et qui, en voulant que nous en
soyons privés, y supplée par son esprit.
Pour vous
exposer, mes chers enfants, votre règle de conduite avec exactitude, je vais
rapprocher de votre situation les principes de la foi et quelques exemples de
l’histoire de la religion, qui en développeront le sens et vous consoleront
dans l’application que vous pourriez en faire.
Il est de foi que
le premier et le plus nécessaire de tous les sacrements est le baptême :
il est la porte du salut et de la vie éternelle ; cependant, le désir, le
vœu du baptême, suffit en certaines occasions : les catéchumènes qui
étaient surpris par la persécution ne le recevaient que dans le sang qu’ils
répandaient pour la religion. Ils trouvaient la grâce de tous les sacrements
dans la confession libre de leur foi et ils étaient incorporés dans l’Eglise
par le Saint-Esprit, lien qui unit tous les membres au chef.
C’est ainsi que
se sont sauvés les martyrs ; leur sang leur a servi de baptême :
c’est ainsi que se sauveront tous ceux qui, instruits des mystères, désireront
(selon la foi) de les recevoir, telle est la foi de l’Eglise : elle est
fondée sur ce que saint Pierre dit : Qu’on ne peut refuser l’eau du
baptême à ceux qui ont reçu le Saint-Esprit.
Quand on a
l’esprit de Jésus-Christ, quand, par amour pour lui, nous sommes exposés à la
persécution, privés de tout secours, accablés des chaînes de la captivité,
quand on nous conduit à l’échafaud, nous avons alors tous les
sacrements dans la Croix. Cet instrument de notre rédemption renferme tout
ce qui est nécessaire pour notre salut.
La tradition de
l’Eglise dans ses plus beaux siècles, confirme cette vérité dogmatique. Les
fidèles qui ont désiré les sacrements, les confesseurs et les martyrs, ont été
sauvés sans le baptême et sans aucun sacrement lorsqu’ils ne pouvaient les
recevoir. D’où il est aisé de conclure que nul sacrement n’est nécessaire
dès qu’il est impossible de le recevoir : et cette conclusion est
la foi de l’Eglise
Saint Ambroise regardait le pieux empereur
Valentin comme un saint, quoiqu’il fût mort sans le baptême, qu’il avait désiré
mais qu’il n’avait pu recevoir. C’est le désir, c’est la volonté qui nous
sauve : « Dans ce cas, dit ce saint docteur de l’Eglise, celui qui ne
reçoit pas le sacrement de la main des hommes, le reçoit de la main de Dieu.
Celui qui n’est pas baptisé par les hommes l’est par la piété, l’est par Jésus-Christ »
Ce que nous dit
du baptême ce grand homme, disons-le de tous les sacrements, de toutes les
cérémonies et de toutes les prières dans les moments actuels.
Celui qui ne
peut se confesser à un prêtre, mais qui ayant toutes les dispositions nécessaires
au sacrement, le désire et en forme le vœu ferme et constant, entend
Jésus-Christ qui, touché et témoin de sa foi, lui dit ce qu’il dit autrefois à
la femme pécheresse : Allez, il vous est beaucoup pardonné parce que vous
avez beaucoup aimé.
Saint Léon dit
que l’amour de la justice contient toute l’autorité apostolique ;
en cela il exprime la loi de l’Eglise. L’application de cette maxime a lieu
pour tous ceux qui, comme nous, sont privés du ministère apostolique par
la persécution qui éloigne ou incarcère les vrais ministres de Jésus-Christ,
dignes de la foi et de la piété des fidèles. Elle a lieu surtout si nous
sommes frappés par la persécution : la croix de Jésus-Christ ne
laisse point de tache quand on l’embrasse et qu’on la porte comme il faut.
Ici, au lieu de raisonnements, écoutons le langage des saints. Les confesseurs
et les martyrs d’Afrique, écrivant à saint Cyprien, disaient hardiment qu’on
revenait la conscience pure et nette des tribunaux où l’on avait confessé le
nom de Jésus-Christ ; ils ne disaient pas qu’on y allait avec une
conscience pure et nette, mais qu’on en revenait avec une conscience pure. Rien
ne fait taire les scrupules comme la croix !
NOTA BENE :
- La lettre ne comportant que le titre CONSOLATIONS, c’est
moi qui mets les sous-titres lors de chaque partie publiée.
René Pellegrini