LE
MASSACRE DE LA LEGION THEBAINE
LA
FOI EN ACTE –
En commentant le récit sur cette légion
chrétienne, je prends le risque de heurter certaines consciences sensibles ou
ne goûtant pas ce qui va suivre. Je ne cherche pas à provoquer ni à blesser. Chacun
s’examinera par rapport au comportement décrit et au désir qu’il a de s’y
conformer ou d’y tendre. Je souhaiterai que mes commentaires soient reçus, par
ceux qui seraient en désaccord, comme la volonté de montrer jusqu’où peut
conduire une foi profonde formée sans réserve sur le modèle parfait de Jésus-Christ
et à laquelle je ne suis pas insensible, car l’Eglise les ayant portés sur les
autels ils sont, à mon sens, dignes d’être suivis et imités avec l’aide de la
grâce et autant qu’elle le permet. Je m’excuse pour la longueur de cet article,
mais, pour en faciliter le suivi et sa compréhension, j’ai préféré le donner en
totalité.
Le massacre de la légion thébaine – six mille six
cents hommes – qui eut lieu aux temps du tyrannique empereur Dioclétien, et que
j’extraie de la « Fleur des Saints » du Père Ribadeneira. Ce récit
nous est rapporté par Saint Eucher, évêque de Lyon, dans une lettre adressée à
l’évêque Salvius.
Pourquoi un tel massacre ? Parce que le
prince Maximien avait ordonné à cette légion – qu’il avait fait venir
spécialement d’Orient – d’aller avec d’autres troupes, enlever les chrétiens
parmi lesquels, bien entendu, des hommes, des femmes et des enfants de tous
âges, et de les conduire à la mort. Devant le refus motivé des chefs chrétiens
de la légion, le tyran exerce une première contrainte, il fait
décimer (un sur dix) la légion, ce qui provoque la mort de plus de 600 soldats
chrétiens.
« La fureur
qu’elle excita dans l’esprit de ce prince fut si violente, qu’il commanda sur
le champ qu’on décimât la légion, afin que ceux que le sort aurait épargné,
épouvantés par le danger qu’ils venaient d’éviter, et par la vue de leurs
compagnons égorgés à leurs yeux, se résolussent d’obéir ; mais ni ce
triste spectacle, ni la crainte d’une pareille destinée, ne purent les ébranler.
Ils s’écrièrent tous qu’on ne verrait jamais leurs mains souillées du
meurtre de leurs frères, ni fumantes de leur sang innocent ; qu’ils
détestaient le culte impie des idoles, qu’ils étaient des adorateurs du vrai
Dieu, et qu’ils endureraient les dernières extrémités et la mort même,
plutôt que de faire quelque chose contre la religion qu’ils
professaient. »
Observons bien que le refus d’obéissance est en
rapport avec un ordre reçu, mais un ordre mauvais.
Le païen Maximien exigeait des soldats chrétiens « le meurtre de leurs frères ». Il est impossible pour un
vrai chrétien d’obéir à un ordre mauvais ou injuste. Le fondement d’un tel
refus étant « adorateurs du vrai Dieu, ils
respecteraient la religion qu’ils professaient ». Le premier
massacre n’ayant en rien changé l’attitude des légionnaires, et leurs propos
ayant été rapportés à Maximien, il exerce une nouvelle contrainte, et décime
une seconde fois.
« Cela ayant été rapporté à Maximien, il ordonna
qu’on décimât la légion pour la seconde fois, et qu’on ne laissât pas ensuite
de contraindre ceux qui resteraient à exécuter ses premiers ordres. La légion
fut donc encore décimée ; mais le reste, sans s’étonner, persévéra
toujours dans le même refus ; les officiers et les soldats
s’exhortent mutuellement les uns les autres à demeurer fermes dans une
si belle résolution. Mais celui qui leur inspirait le plus cette admirable
fermeté, était saint Maurice, leur colonel, auquel se joignirent Exupère,
maréchal de camp, et Candide, prévôt de la légion. Ces trois officiers ne
cessaient de leur représenter la sainteté du serment qu’ils
avaient fait à Jésus-Christ, la fidélité qu’ils lui
devaient comme à leur véritable empereur ; qu’il était beau
de mourir pour la défense de la loi de Dieu ; que
l’exemple de leurs compagnons qu’ils voyaient étendus sur la poussière, comme
autant de victimes sacrifiées à Dieu, les devait merveilleusement
encourager ; que du haut du ciel, où ils venaient de monter, ils leur
tendaient la main, et leur montraient des couronnes toutes pareilles à celles
qu’ils apercevaient briller sur leurs têtes. Ces trois grands hommes n’eurent
pas de peine à allumer dans le cœur de leurs soldats, ce feu divin dont ils
brûlaient eux-mêmes. »
Ils sont passifs, n’esquissent aucun geste pour se
défendre ou pour protéger leurs frères d’armes exécutés sous leurs yeux.
Cependant, il est dit qu’ils moururent pour « la
défense de la loi de Dieu ». Ils ont donc parfaitement défendu la
loi divine en n’intervenant pas : en refusant de tuer leurs frères.
Ce qui suit illustre
parfaitement leur foi et la fidélité du serment fait à Jésus-Christ lorsqu’un
ordre de l’autorité temporelle entre en conflit avec un commandement de Dieu.
« Tous soupiraient après le martyre. Ainsi
animés de ce beau feu. Ils firent présenter à Maximien un écrit conçu à peu
près en ces termes : Seigneur, nous sommes vos soldats, il est vrai, mais
nous sommes aussi les serviteurs du vrai Dieu, et nous nous faisons
gloire de le confesser. Vous nous honorez de la milice ; mais nous devons
à Dieu le don inestimable de l’innocence.
Nous recevons de vous la solde comme une récompense due à nos travaux ;
mais nous tenons de Dieu la vie, comme un don purement gratuit, et
que nous ne pouvons jamais mériter. Il ne nous est donc plus permis d’obéir à
notre empereur, dès que Dieu nous le défend : oui notre Dieu, et le vôtre,
seigneur. Commandez-nous des choses justes, vous nous trouverez
soumis, obéissants, prêts à tout entreprendre pour votre service et pour votre
gloire : Montrez-nous l’ennemi ; et nous répondons de sa défaite, nos
mains n’attendent que votre ordre pour se tremper dans le sang ; mais nous
ne répandrons jamais celui de nos frères, de vos sujets. »
Placés dans un état d’obéissance à l’égard de leur
prince – bien que païen et sanguinaire – qui est leur autorité supérieure, ils
sont aussi « serviteurs de Dieu »
de qui ils tiennent les dons inestimables « de
l’innocence et de la vie » ce qui leur fait dire « Commandez-nous des choses justes » justifiant
ainsi leur désobéissance par l’ordre mauvais reçu, se dressant contre
l’autorité souveraine de Dieu.
Pensez-y militaires et forces de l’ordre
catholiques et chrétiens car viendra le temps où vous aurez de graves
décisions à prendre, lorsqu’on vous enverra contre vos frères - sans
arme, sans défense, se tenant tranquille et loin
de toute agitation et propagande révolutionnaire contre les autorités
établies, n’ayant que le mauvais goût de vouloir louer, aimer, servir Dieu et,
selon la mission reçue de confesser leur foi devant les hommes, jusqu’à la fin
du monde, et de dénoncer verbalement, ou par écrit, tout ce qui se dresse
contre les enseignements divins auxquels tout homme doit se
soumettre, qu’elle que soit sa position sociale, s’il ne veut pas finir par
ressembler à un animal mû uniquement par ses sens, et faire retour à
l’animalité et à la barbarie desquelles le christianisme l’a progressivement
sorti.
Ce qui suit peut paraître surprenant :
« Avons-nous pris les armes, pour en
exterminer les Romains, ou pour les défendre ? Et n’est-ce pas pour la
justice, pour la conservation de l’empire, pour y maintenir la tranquillité,
que nous avons jusqu’à présent combattu ? Ca toujours été le prix aussi
bien que le motif de tant de périls où nous nous exposons chaque
jour ? »
Pour la défense d’un empire païen, ils prirent les
armes, mirent en péril leur vie. Pourquoi ne les prennent-ils pas pour protéger
leurs frères en danger de mort ? Sommes-nous en présence d’une légion de
chrétiens déficients mentaux ? NON ! L’Eglise les a
inscrits dans le catalogue des saints : ils ont été portés sur les autels.
Ils sont donc des exemples pour la foi que nous pouvons imiter à condition de
nous nourrir de ce qui l’élève et la rend ferme en s’appuyant, prioritairement,
non sur les émotions produites sur les sens humains, mais sur l’adhésion de
notre intelligence à la vérité révélée et enseignée par l’exemple de Jésus, des
saints et l’enseignement infaillible de l’Eglise.
Tout aussi surprenant et à méditer ce qui
suit :
« Mais enfin, seigneur, si nous manquons à
la fidélité que nous avons promise à Dieu, quelle assurance aurez-vous que nous
garderons celle que nous vous avons jurée ? Un double serment nous lie
envers Dieu, et envers notre empereur ; si nous violons le premier, le
second nous doit peut coûter à rompre. Vous nous commandez d’égorger
des chrétiens ; que n’employez-vous à ce grand
exploit vos autres soldats ? Ils vous ont si bien servi,
lorsque vous leur avez donné l’ordre de faire main basse sur nos
compagnons. »
Remarquons leur comportement à l’égard de leurs
frères voués à une mort certaine. Qui doit faire ce sordide travail de tuer les
chrétiens ? « Vos autres soldats ».
Ils n’ignorent pas ce qui a déjà été fait « main
basse sur leurs compagnons » Inconscience ? Ils sont encore
plus de 5000, de surcroît valeureux soldats, ne feraient-ils pas mieux de
s’organiser pour se défendre ? Mourir pour mourir, autant que ce soit en
combattant et en portant secours aux plus faibles plutôt que de se laisser
massacrer, et ainsi ouvrir le chemin pour l’égorgement de leurs frères sans
défense (hommes, femmes, vieillards, enfants et enfants à naître) par des
soldats païens ! Ils ne font rien pour se (et les) protéger, mais :
« Qu’attendez-vous pour en faire autant
de nous ? Qui vous arrête ?
Nous confessons un Dieu créateur de toutes choses, et un Jésus-Christ, son
Fils, et Dieu comme son Père. Nous venons de voir nos chers compagnons
expirer sous le fer meurtrier de vos bourreaux, et nous sommes tous
couverts de leur sang. Nous avez-vous vu verser la moindre larme ?
Avons-nous jeté le moindre soupir ? Vous a-t-on dit que nous déplorions
leur mort prématurée ? Au contraire, nous l’avons accompagné de nos vœux,
de mille marques de joie. Nous leur portons envie, nous les
estimons heureux d’avoir été trouvés dignes de souffrir pour leur Dieu. »
Voilà qui donne à réfléchir et à méditer. Ils
disent « nous venons de voir » et
ils n’ont pas bougé, et de nouveau ce qui les détermine et souligne ce qu’est
la foi bien comprise et vécue « être digne de
souffrir pour Dieu ».
« Au reste, qu’on n’appréhende rien de
notre désespoir ; la crainte de la mort n’amènera point nos mains
pour repousser celle qu’on voudra nous donner ; et notre empereur,
quoique acharné à notre perte, ne nous sera pas moins respectable. Nous ne
parerons point les coups qu’il nous fera porter, et nous ne nous servirons
point de nos armes pour empêcher l’exécution de ses ordres, quelque injuste
qu’ils soient. Nous aimons donc mieux mourir nous-mêmes que de faire le moindre
mal à nos frères, et entre mourir innocents et vivre coupables, il n’y a pas à
balancer aux choix. Enfin nous sommes chrétiens, nous ne pouvons nous
résoudre à verser le sang des chrétiens. »
C’est ce qu’ils firent :
« Maximien s’étant fait lire cet écrit,
également fort et respectueux, et n’espérant plus de pouvoir vaincre la
constance de ces généreux chrétiens, se résolut de les faire passer tous par le
fil de l’épée. Nos saints voyant approcher les soldats l’épée nue, mirent bas
les armes ; présentant la gorge aux bourreaux, ils recevaient le
coup mortel sans pousser la moindre plainte. Ils auraient pu vendre bien
cher leur vie ; et fort de leur nombre et de leur valeur, faire sentir aux
soldats qui les massacraient, qu’il n’était pas si facile de la leur ôter.
Mais se ressouvenant que Celui qu’ils adoraient, et pour l’amour duquel
ils mourraient, semblable à un paisible agneau, n’avait pas ouvert la bouche
pour se plaindre de l’injustice de ses ennemis ; ils se laissèrent
déchirer comme d’innocentes brebis, qu’une bande de loups affamés ont
assaillies dans un lieu écarté. La terre fut en un instant couverte de corps,
ou morts ou mourants, et de longs ruisseaux de sang coulaient de tous
côtés. »
Les soldats ne se défendent pas et assument totalement
l’injustice qu’on leur fait subir. Ils ont acquis la sainteté sans pour autant
avoir tenté l’impossible pour se sauver eux-mêmes, leurs frères d’armes et les
autres chrétiens de la mort.
Moins de quarante ans plus tard, la Rome païenne
et impériale se convertissait au christianisme. Le sang des martyrs, semence de
chrétiens, avait fait son œuvre.
« Quel tyran, quelque altéré qu’il en fût,
en a jamais fait rouler ainsi des torrents sur le sable ? Un seul arrêt
a-t-il jamais puni tant de criminels à la fois ? Cependant, quoiqu’un
crime commis par une multitude de coupables demeure presque toujours impuni,
ici la multitude ne peut sauver même les innocents. C’est ainsi qu’un seul
homme, abusant de sa puissance, fit périr d’une seule parole un peuple tout
entier de saints. C’est ainsi que fut éteint dans son sang cette légion d’anges
mortels ; mais il faut croire que dans le moment elle s’alla joindre aux
légions des esprits célestes, pour louer et bénir le Dieu des armées. »
Voilà comment ce sont comportés des chrétiens face
à un tyran usant de violence pour forcer à commettre un
acte contraire à la loi divine, sans faire valoir la légitime défense.
CONCLUSION PERSONNELLE
On cherche à comprendre un tel comportement. Il ne
se comprend que par la foi fondée solidement sur l’adhésion sans réserve à
l’exemple de leur Seigneur et Maître face à ses ennemis, et professée sans
faille jusqu’à ses ultimes conséquences car « se
ressouvenant que Celui qu’ils adoraient, et pour l’amour duquel ils mourraient,
semblable à un paisible agneau, n’avait pas ouvert la bouche pour se plaindre
de l’injustice de ses ennemis ». Foi qui demeura fidèle au
serment les liant à Jésus-Christ par le baptême, et par lequel ils furent
revêtus de Jésus-Christ en sa mort et sa résurrection pour marcher en communion
et en vérité dans la lumière qu’est l’exemple laissé par Notre-Seigneur :
Lui qui pouvait faire appel à son Père et lui enverrait plus de 12 légions
d’anges pour le délivrer. (St Matthieu XXVI, 53)
« Si quelqu’un me sert, qu’il me
suive ; et là où je suis, mon serviteur sera aussi. Si quelqu’un me sert,
mon Père l’honorera » (St Jean XII, 26) et la vérité qu’est venu enseigner
Notre-Seigneur concerne aussi bien nos comportements face à la vie qu’à la
mort.
La foi de ces légionnaires chrétiens n’est pas
enfantine, elle ne demande ni à être maternée par la Sainte Vierge, ni à se
soustraire à l’épreuve que Dieu permet : elle est adulte. Cette foi a parfaitement
compris que « le disciple n’est pas au-dessus
du Maître ; mais tout disciple sera parfait, s’il est comme son
Maître. » (St Luc VI, 40) et ce que signifie vraiment mettre ses
pas de disciple dans ceux de Jésus-Christ. « Car
c’est à cela que vous avez été appelés, parce que le Christ aussi a
souffert pour nous, vous laissant un exemple, afin que vous
suiviez ses traces ; (…) lui qui injurié, ne
rendait point d’injures, et, maltraité, ne faisait point de menaces, mais se
livrait à celui qui le jugeait injustement. » (I Pierre
II, 21-24). Aucune incitation à la révolte dans l’enseignement de Saint Pierre
mais exhortation à fixer son regard sur le Christ pour en suivre l’exemple.
Devant cette foi des
légionnaires chrétiens pas seulement théorique mais en acte, qu’en est-il de la
nôtre ? N’est-elle pas trop éreintée et énervée après deux siècles de laïcité,
par la conjugaison et la diffusion mortelle du faux
humanisme de la Renaissance, des fausses doctrines et faux principes du
protestantisme et de ses progénitures, des faux principes révolutionnaires de
la judéo-maçonnerie, un milieu ambiant naturaliste, des exemples considérés
comme normaux et répétés de rébellion, d’insubordination comme unique solution
aux problèmes face aux autorités dirigeantes, et leurs répercussions dans tous
les domaines de la vie avec leur incitation à nous y conformer pour ne pas être
différents et être acceptés par ce monde oublieux de Dieu, de ses commandements
et de sa morale ?
Tous ces faits dans lesquels
baigne continuellement la vie chrétienne n’ont-ils pas vicié et ramolli cette
foi la réduisant à un simple confort psychique, ou stérilisée par le confort
matériel, les plaisirs, les amusements et les distractions en tous genres,
auxquels s’ajoute le brigandage que fut le Concile Vatican II favorisant un
catholicisme qui ne s’accommode plus que de compromis, de politiquement et de
religieusement corrects, de silences coupables et répétés devant le mal qu’on n’ose
plus appeler mal, favorisant ainsi les censures de beaux parleurs que certaines
vérités dérangent privant ainsi leurs frères de ce qu’ils devraient connaître
pour leur éviter certaines erreurs dangereuses pour leur foi ? Ces
censeurs qui vous snobent et refusent de répondre aux demandes légitimes
d’explications. Refusant de répondre aux hommes que répondront-ils à
Dieu ? Tous ces faits créent une atmosphère qui met sournoisement sur la
voie de la trahison et de la lâcheté saupoudrées d’Alléluia, de bêlement et de
protestation d’amour de Dieu et de la Sainte Vierge mais qui sonnent faux, car
ils sous estiment dangereusement le rude combat pour la foi à mener au sein
même de notre religion, avec l’aide de Dieu, contre l’enfer et ses suppôts qui
se déchaînent pour subvertir et perdre les âmes aussi bien religieusement que
politiquement.
René Pellegrini
Mis sur un autre blogue le 7 novembre 2018