CHAPITRE 1
L’ESPRIT DU BIEN ET L’ESPRIT DU
MAL – 4
Quant aux créatures purement matérielles, écoutons le témoignage des plus
grands génies qui aient éclairé le monde.
« Les anges, dit Origène, président à toutes choses, à la
terre, à l’eau, à l’air, au feu, c’est-à-dire aux principaux éléments ;
et, suivant cet ordre, ils parviennent à tous les animaux, à tous les germes et
jusqu’aux astres du firmament. » (2)
Saint Augustin n’est pas moins explicite.
« Dans ce monde, dit-il, chaque créature visible est confiée
à une puissance angélique, suivant le témoignage plusieurs fois répétées des
saintes Ecritures » (3)
Même langage dans la bouche de saint Jérôme, saint Grégoire de Naziance et les
organes les plus authentiques de la foi du genre humain régénéré.
De cette loi universelle, invincible, la vraie philosophie donne deux raisons
péremptoires : l’harmonie de l’univers et la nature de la matière.
HARMONIE DE L’UNIVERS
L’harmonie de l’univers. Il n’y a pas de saut dans la nature : Natura non facit saltum.
Toutes les créatures visibles à nos yeux se superposent, s’emboîtent,
s’enchaînent les unes aux autres par des liens mystérieux, dont la découverte
successive est le triomphe de la science. De degrés en degrés, toutes viennent
aboutir à l’homme. Esprit et matière, l’homme est la soudure de deux mondes.
Si, par son corps, il est au degré le plus élevé de l’échelle des êtres
matériels ; il est, par son âme, au plus bas de l’échelle des êtres
spirituels. La raison en est que la perfection des êtres, par conséquent leur
supériorité hiérarchique, se calcule sur leur ressemblance plus ou moins
complète avec Dieu, l’être des êtres, l’esprit incréé, la perfection par
excellence.
Or, la créature purement matérielle est moins parfaite que la créature
matérielle et spirituelle en même temps. A son tour, celle-ci est moins
parfaite que la créature purement spirituelle. Puisqu’il n’y a point de saut
dans les œuvres du Créateur, au-dessus des êtres purement matériels, il y a
donc des êtres mixtes ; au-dessus des êtres mixtes, des êtres purement
spirituels ; au-dessus de l’homme, des anges. Purs esprits, ces brillantes
créatures, hiérarchiquement disposés, continuent la longue chaîne des êtres et
sont, à l’égard de l’homme, ce qu’il est lui-même à l’égard des créatures
purement matérielles ; elles le rattachent à Dieu, comme l’homme lui-même
rattache la matière à l’esprit.
Tout cela est fondé sur deux grandes lois que la raison ne saurait contester,
sans tomber dans l’absurde. La première, que toute la création descendue de
Dieu tend incessamment à remonter à Dieu, car tout être gravite vers son
centre. La seconde, que les êtres inférieurs ne peuvent retourner à Dieu que
par l’intermédiaire des êtres supérieurs. (4) Or, nous l’avons vu, l’être purement
matériel étant, par sa nature même, inférieur à l’être mixte, c’est par
celui-ci seulement qu’il peut retourner à Dieu. A son tour, l’être mixte étant
naturellement inférieur à l’être pur esprit, c’est par celui-ci seulement qu’il
peut retourner à Dieu. La théologie catholique formule donc un axiome de haute
philosophie, lorsqu’elle dit :
« Tous les êtres corporels sont gouvernés et maintenus dans l’ordre par des êtres spirituels ; toutes toutes les créatures visibles par des créatures invisibles. » (5)
(A suivre… « L’Esprit du bien et l’Esprit du mal – 5 »…si Dieu
veut)
- C’est moi qui mets le sous-titre « Harmonie de l’univers », la note 1, et quelques versets bibliques pour étayer la note 3
(1) Homélie VIII, in
Jeremias.
(2) De diversis,
quaest. LXXXIII-LXXIX, n° 1, opp. t. IV, p. 425 (Hébreux
I, 14 et XIII, 2 ; Psaumes XXXIII, 8 ou 34, 8 et XC, 11 ou 91, 11 dans les
Bibles protestantes)
(3) Somme théologique,
dist. XLV, question III, article 2.
(4) Viguier, ch. III,
p. 87, édit. In-4°, 1571
René
Pellegrini