CHAPITRE 1
TRAITE DU
SAINT-ESPRIT – 15
L’ESPRIT DU BIEN ET L’ESPRIT DU
MAL - 3
Qu’on ne croit pas que cette confiance au pouvoir et à la bonté des êtres
surnaturels soit une chimère. D’abord, je voudrais qu’on me montrât une chimère
universelle. Ensuite, personne ne méconnaît la valeur morale et intérieure de
la prière. Par cela seul qu’elle prie, l’âme se soulage, se relève, s’apaise,
se fortifie. Elle éprouve, en se tournant vers Dieu, ce sentiment de retour à
la santé et au repos qui se répand dans le corps, quand il passe d’un air
orageux et lourd dans une atmosphère sereine et pure. Dieu vient en aide à ceux
qui l’implorent, avant et sans qu’ils sachent s’il les exaucera. S’il est un
seul homme qui regarde comme chimériques ces heureux effets de la prière, parce
qu’il ne les a jamais éprouvés, il faut le plaindre ; mais on ne le réfute
pas.
La prière a une forme plus élevée que la parole, c’est le sacrifice. Plus
facile à constater, puisqu’elle est toujours palpable, cette seconde forme
n’est pas moins universelle que la première. En usage chez tous les peuples, à
toutes les époques, sous toutes les latitudes, le sacrifice s’est offert à des
êtres bons ou mauvais, mais toujours étrangers au monde inférieur. Jamais le
sang d’un taureau n’a ruisselé sur les autels en l’honneur d’un taureau, d’un
être matériel, ni même d’un homme.
Le droit au sacrifice ne commence pour l’homme que lorsque la flatterie voit un
génie
personnifié en lui, et c’est à ce génie que le sacrifice s’adresse ; ou,
lorsqu’en le retirant du monde inférieur, la mort a fait de lui l’habitant du
monde surnaturel. Or, dans la pensée du genre humain, le sacrifice a la même
signification que la prière. Perpétuellement offert, il est donc la preuve
perpétuelle de la foi de l’humanité à l’influence permanente du monde supérieur
sur le monde inférieur.
L’homme ne s’est jamais contenté d’admettre une action générale et indéterminée
des agents surnaturels sur le monde et sur lui. Interrogé à tel moment qu’il vous
plaira de son existence, il vous dira : Je crois au « gouvernement du
monde matériel par le monde spirituel, comme je crois au gouvernement de mon
corps par mon âme ; je crois que chaque partie du monde inférieur est
dirigée par un agent spécial du monde surnaturel, chargé de la conserver et de
la maintenir dans l’ordre. Je crois ces vérités, comme je crois que dans les
gouvernements visibles, pâle reflet de ce gouvernement invisible, l’autorité
souveraine, personnifiée dans ses fonctionnaires, est présente à chaque partie
de l’empire, afin de la protéger et de la faire concourir à l’harmonie
générale.
Personne n’ignore que les peuples de l’antiquité païenne, sans exception
aucune, ont admis l’existence de héros, de demi-dieux, auxquels ils attribuaient
les faits merveilleux de leur histoire, leurs législations, l’établissement de
leurs empires. Personne n’ignore qu’ils ont cru, écrit, chanté que chaque
partie du monde matériel est animée par un esprit qui préside à son existence
et à ses mouvements ; que cet esprit est un être surnaturel, digne des
honneurs de l’homme et assez puissant pour faire de la créature, dont le soin
lui est confié, un instrument de bien ou un instrument de mal. La même croyance
est encore aujourd’hui en pleine vigueur chez tous les peuples idolâtres des
cinq parties du monde.
Dans cette croyance unanime, base de la religion et de la poésie, aussi bien
que de la vie publique et privée du genre humain, n’y a-t-il aucune parcelle de
vérité ? A moins d’être frappé de démence, qui oserait le soutenir ?
Le monde des corps est gouverné par le monde des esprits : tel est, bien
que l’ayant altéré sur quelques points secondaires, le dogme fondamental dont
le genre humain a toujours été en possession.
Voulons-nous l’avoir dans toute sa pureté ? Relisons les divins oracles.
Dès les premières pages de l’Ancien Testament, nous voyons l’Esprit du mal se
rendre sensible sous la forme du serpent, et ce séducteur surnaturel exercer
sur l’homme une domination qu’il n’a jamais perdue. Nous voyons, d’un autre
côté, les Esprits du bien gouverner le peuple de Dieu, comme les ministres d’un
roi gouvernent son royaume.
Depuis Abraham, le père de la nation choisie, jusqu’aux Macchabées, (1) derniers champions
de son indépendance, tous les hommes de la #Bible sont dirigés, secourus,
protégés par des agents surnaturels, dont l’influence détermine les grands
événements consignés dans l’histoire de ce peuple, type de tous les autres.
Successeur, disons mieux, développement du peuple juif, le peuple chrétien nous
offre le même spectacle. Mais, si les plus parfaites entre toutes les sociétés
ont toujours été, si elles sont encore placées sous la direction du monde
angélique, à plus forte raison les sociétés moins parfaites se trouvent-elles,
à cause même de leur infériorité, soumises au même gouvernement.
(A suivre…« L’Esprit
du bien et l’Esprit du mal – 4 »…si Dieu veut)
- C’est moi
qui mets la note ci-dessous
(1) Selon l’opinion la
plus vraisemblable le mot Macchabée est un surnom qui dérive du substantif
hébreu maqqâb (marteau). Ce surnom fut donné à Judas à cause de son courage
pour défendre l’indépendance juive. Ce surnom fut ensuite étendu aux autres
frères de Judas et à ceux qui subirent courageusement la persécution
d’Antiochus Epiphane. Selon l’historien juif Flavius Josephe, les Macchabées
seraient le surnnom donné aux membres d’une famille appartenant à la dynastie
des Hasmonéens. Les deux livres des Machabées sont reconnus comme canoniques
par l’Eglise catholique. Pour les #Protestants, depuis le #concile de Trente,
ils sont rangés parmi les livres apocryphes.
René Pellegrini