L’EUCHARISTIE ET
L’EXTREME-ONCTION SANS MINISTRE DU SEIGNEUR
L’Eucharistie, le
sacrement d’amour, avait pour vous bien des douceurs et des avantages quand
vous pouviez y participer ; mais maintenant que vous en êtes privés, pour
être les défenseurs de la vérité et de la justice, vos avantages sont les
mêmes ; car, qui aurait osé approcher de cette table si Jésus-Christ ne
nous en eût pas fait un précepte et si l’Eglise, qui désire que nous nous
fortifions par ce pain de vie, ne nous eût invités à le manger par la voix de
ses ministres qui nous revêtaient de la robe nuptiale ? Mais si nous
comparons l’obéissance pour laquelle nous en sommes privés à celle qui nous y
conduisait, il sera aisé de juger du mérite.
Abraham obéit en
immolant son fils et en ne l’immolant pas : mais son obéissance fut bien
plus grande quand il mit la main à l’épée que quand il remit son épée dans le
fourreau.
Nous obéissons en
nous approchant de l’Eucharistie, mais en nous retirons de ce sacrifice, nous
nous immolons nous-mêmes. Altérés de la soif de la justice, et nous privant du
sang de l’Agneau, qui seul peut l’étancher, nous sacrifions notre propre vie
autant qu’il est en nous. Le sacrifice d’Abraham fut d’un instant, un ange
arrêta le glaive, le nôtre est journalier et se renouvelle toutes les fois que
nous adorons avec soumission la main de Dieu qui nous éloigne de ses autels, et
ce sacrifice est volontaire.
C’est être
avantageusement privés de l’Eucharistie que d’élever l’étendard de la croix
pour cause de Jésus-Christ et la gloire de son Eglise. Observez, mes enfants,
que Jésus-Christ, après avoir donné son corps, ne fit aucune difficulté de
mourir pour nous. Voilà la conduite du chrétien dans ses persécutions : la
croix succède à l’Eucharistie. Que l’amour de l’Eucharistie ne nous éloigne
donc pas de la croix ! C’est montrer et faire un glorieux progrès dans la
gloire de l’Evangile que de sortir du cénacle pour monter au Calvaire. Oui, je
ne crains pas de le dire, quand l’orage de la malice des hommes gronde contre
la vérité et la justice, il est plus avantageux aux fidèles de souffrir pour
Jésus-Christ que de participer à son corps sacré par la communion.
Il me semble
entendre le Sauveur nous dire : « Ah ! ne craignez pas d’être
séparés de ma table pour la confession de mon nom ! C’est une grâce que je
vous fais, qui est bien rare ; réparez par cette humiliation, privation
qui me glorifie, toutes les communions qui me déshonoraient. Sentez cette grâce
vous ne pouvez rien faire sans moi, et je mets entre vos mains un moyen de
faire ce que j’ai fait pour vous, et de me rendre avec magnificence ce que je
vous ai donné de plus grand ! Je vous l’ai donné : lorsque vous vous
en êtes séparés pour être fidèles à mon service, vous rendez à ma vérité ce que
vous aviez reçu de ma charité. Je n’ai rien pu donner de plus grand. Votre
reconnaissance égale, par la grâce que je vous ai faite, la grandeur du don que
je vous ai fait. Consolez-vous si je ne vous appelle pas à verser votre sang
comme les martyrs : Voilà le mien pour y suppléer ; toutes les fois
qu’on vous empêchera de le boire, je vous en tiendrai le même compte que si
vous aviez répandu le vôtre, et le mien est infiniment plus précieux »
C’’est ainsi que
nous trouvons l’Eucharistie dans la privation même de l’Eucharistie ; d’un
autre côté, qui peut nous séparer de Jésus-Christ et de son Eglise dans la
communion, en nous approchant par la foi de ses autels d’une manière d’autant
plus efficace qu’elle est plus spirituelle et plus éloignée des sens ?
C’est ce que
j’appelle communier spirituellement en s’unissant aux fidèles qui peuvent le
faire dans les divers lieux de la terre.
Cette communion
vous était familière dans le temps où vous pouviez vous approcher de la Sainte
Table : vous en connaissez les avantages et la manière ; c’est
pourquoi je ne vous en entretiens pas.
Je vais vous
exposer ce que l’Ecriture Sainte et les Annales de l’Eglise m’offrent de
réflexions sur la privation de la messe et la nécessité d’un sacrifice
perpétuel pour les fidèles, dans les temps de persécution, et cela brièvement.
Donnez, mes enfants, une attention particulière aux principes que je vais
rappeler, ils tiennent à votre édification.
Rien n’arrive
sans la volonté de Dieu : que nous ayons un culte qui nous permette
d’assister à la messe ou que nous en soyons privés, nous devons être également
soumis à sa volonté sainte et, dans toutes les circonstances, soyons dignes du
Dieu que nous servons.
Le culte que nous
devons à Jésus-Christ est fondé sur l’assistance qu’il nous donne et sur la
nécessité que nous avons de son secours. Ce culte nous trace des devoirs comme
fidèles isolés, ainsi qu’il nous en traçait autrefois dans l’exercice public de
notre sainte religion.
Comme enfants de
Dieu, selon le témoignage de saint Pierre et de saint Jean, nous participons au
sacerdoce de Jésus-Christ pour offrir des prières et des vœux ; si nous
n’avons pas le caractère de l’ordre pour sacrifier sur les autels visibles,
nous ne sommes pas sans hosties, puisque nous pouvons l’offrir dans le culte de
notre amour en sacrifiant nous-mêmes Jésus-Christ à son Père sur l’autel de nos
cœurs. Fidèles à ce principe, nous recueillerons toutes les grâces que nous
aurions pu recueillir si nous eussions assisté au saint sacrifice de la messe.
La charité nous unit à tous les fidèles de l’univers qui offrent ce divin
sacrifice ou qui y assistent. Si l’autel matériel ou les espèces sensibles nous
manquent, il n’y en a pas non plus dans le ciel, où Jésus-Christ est offert de
la manière la plus parfaite.
Oui, mes enfants,
les fidèles qui sans prêtres étant eux-mêmes prêtres et rois, selon saint
Pierre, offrent leurs sacrifices sans temple, sans ministère et sans rien de
sensible ; il n’est besoin que de Jésus-Christ pour l’offrir, pour le
sacrifice du cœur, où la victime doit être consumée par le feu de l’amour du
Saint-Esprit, c’est être uni à Jésus-Christ, dit saint Clément d’Alexandrie,
par les paroles, par les actes et par le cœur.
Nous lui sommes
unis par nos paroles quand elles sont vraies, par nos actions quand elles sont
justes et par nos cœurs quand la charité les enflamme. Ainsi, disons la vérité,
n’aimons que la vérité, alors nous rendrons è Dieu la gloire qui Lui est due.
Quand nous sommes vrais dans nos paroles, justes dans nos actions, soumis à
Dieu dans nos désirs et nos pensées, en ne parlant que de Lui seul, en Le
louant de ses dons et en nous humilions de nos infidélités, nous offrons un
sacrifice agréable à Dieu, qui ne peut nous être ôté. Le sacrifice que Dieu
demande est un esprit pénétré de douleur, dit le saint roi David ; vous ne
méprisez pas, ô mon Dieu, un cœur contrit et humilié. (Psaumes L, 19) (1)
Il me reste à
considérer l’Eucharistie comme viatique, vous pouvez en être privés à la
mort ; je dois vous éclairer et vous prémunir contre une privation si
sensible. Dieu, qui nous aime et nous protège, a voulu nous donner son corps
aux approches de la mort pour nous fortifier dans ce dangereux passage.
Lorsque vous
portez vos regards sur l’avenir, que vous vous voyez dans votre agonie, sans
victime, sans extrême-onction, et sans aucune assistance de la part des
ministres du Seigneur, vous vous regardez comme dans l’abandon le plus triste
et le plus affligeant !
Consolez-vous,
mes enfants, dans la confiance que vous devez à Dieu ; ce père tendre
répandra sur vous ses grâces, ses bénédictions et ses miséricordes, dans ces
moments terribles que vous redoutez, avec plus d’abondance que si vous pouviez
être assistés par ses ministres, dont vous n’êtes privés que parce que vous
n’avez pas voulu L’abandonner Lui-même.
L’abandon et le
délaissement où nous redoutons de nous trouver ressemble à celui du Sauveur sur
la croix, lorsqu’il disait à son Père : « Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi m’avez-vous abandonné ? » - Ah ! que ces paroles sont
instructives : vos peines et vos délaissements vous conduisent à vos
glorieuses destinées en terminant votre carrière comme Jésus-Christ termina la
sienne. Jésus, dans les souffrances, dans son abandon et sa mort, était dans l’union
la plus intime avec son Père. Dans vos peines et vos délaissements, soyez Lui
de même unis, et que votre dernier soupir soit comme le sien : que la
volonté de Dieu s’accomplisse.
Ce que j’ai dit
de la privation du viatique à la mort, je le dirai aussi de l’Extrême-Onction.
Si je meurs entre les mains de personne qui, non seulement ne m’assistent pas,
mais qui m’insultent, je serai d’autant plus heureux que ma mort aura plus de
conformité avec celle de Jésus-Christ qui fut un spectacle d’opprobres à toute
la terre !...Crucifié par les mains de ses ennemis, Il est traité comme un
voleur et meurt entre deux larrons ! Il était la sagesse même, Il passe
pour un insensé ; Il était la vérité, et Il passe pour un fourbe et un
séducteur ! Les pharisiens et les scribes ont triomphé de Lui et en Sa
présence ! Enfin, ils se sont rassasiés de son sang ! Jésus-Christ
est mort dans l’infamie du supplice le plus honteux et dans les douleurs les
plus sensibles ! Chrétiens, si votre agonie et votre mort sont à vos
ennemis une occasion de vous insulter et de vous traiter avec opprobre, quelle
fut celle de Jésus-Christ ? Je ne sais si l’ange qui fut envoyé pour
suppléer à la dureté et à l’insensibilité des hommes ne fut point pour nous
apprendre que dans une telle rencontre nous recevons la consolation du ciel
quand celles de la terre nous manquent. Ce ne fut point sans un dessein
particulier de Dieu que les apôtres, qui eussent dû consoler Jésus-Christ,
demeurèrent dans un assoupissement profond.
Que le fidèle ne
s’étonne pas de se retrouver sans prêtre à sa dernière heure. Jésus-Christ fait
des reproches à ses apôtres de ce qu’ils dormaient, mais il ne leur en fait
point de ce qu’ils Le laissèrent sans consolation, pour nous apprendre que, si
nous entrons dans le jardin des Oliviers, si nous montons au calvaire, si nous
expirons seuls et sans secours humains, Dieu veille sur nous, nous console et
suffit à tous nos besoins. Fidèles qui craignez les suites du moment actuel,
portez vos regards sur Jésus : fixez-Le, contemplez-Le, il est votre
modèle ; je n’ai rien à vous dire de plus sur ce sujet.
Après l’avoir
contemplé, craindrez-vous encore la privation des prières et des cérémonies que
l’Eglise a établies pour honorer votre agonie, votre mort et votre sépulcre ?
Pensez que la cause pour laquelle vous souffrez et mourrez rend cette privation
une nouvelle gloire et vous donne le mérite du dernier trait de ressemblance
que vous pouvez avoir avec Jésus-Christ. La Providence a permis et voulu, pour
notre instruction, que les pharisiens missent des gardes au sépulcre pour
garder le corps de Jésus crucifié ; elle a voulu qu’après la mort même,
son corps restât entre les mains de ses ennemis pour nous apprendre que quelque
longue que soit la domination de nos ennemis, nous devons le souffrir avec
patience et prier pour eux.
Saint Ignace
martyr, qui avait tant d’ardeur pour être dévoré par les bêtes, ne préféra-t-il
pas les avoir pour sépulcre au plus beau mausolée ? Les premiers Chrétiens
que l’on livrait aux bourreaux, se sont-ils jamais mis en peine de leur agonie
et de leur sépulcre ? Tous étaient sans inquiétude de ce qu’on ferait de
leur corps. Oui, mes enfants, quand on se fie à Jésus-Christ pendant la vie, on
se fie à lui après sa mort.
Jésus sur la
croix et près d’expirer vit les femmes qui l’avaient suivi depuis la Galilée
qui se tenaient éloignées, sa Mère, Marie-Madeleine el le disciple bien-aimé
étaient auprès de la croix dans l’abattement, le silence et la
douleur !...Voilà, mes enfants, l’image de ce que vous verrez : la
plupart des chrétiens plaignent ceux des fidèles qui sont livrés à la
persécution, mais ils se tiennent éloignés ; quelques-uns, comme la mère
de Jésus, approchent de la victime innocente que l’iniquité immole.
Je remarque avec
Saint Ambroise, que la mère de Jésus, au pied de la croix, savait que son fils
mourait pour la rédemption des hommes et que, désirant d’expirer avec lui pour
l’accomplissement de cette grande œuvre, elle ne craignait point d’irriter les
Juifs par sa présence et de mourir avec son divin fils. Quand vous verrez, mes
chers enfants, mourir quelqu’un dans le délaissement ou sous le glaive de la
persécution, imitez la mère de Jésus, et non les femmes qui l’avaient suivi de
Galilée. Soyez pénétrés de cette vérité : que le temps de mourir le plus
glorieux et le plus salutaire est lorsque la vertu est la plus forte dans notre
cœur ; on ne doit pas craindre pour le membre de Jésus-Christ quand il est
dans la souffrance ! Assistons-le, ne fût-ce que par nos regards et par
nos larmes.
Voilà, mes
enfants, ce que j’ai cru devoir vous dire : Je le crois suffisant pour
répondre à vos demandes et tranquilliser votre piété ; j’ai posé les
principes sans entrer dans aucun détail ; ils me paraissent inutiles. Vos
fermes réflexions y suppléeront aisément et vos conversations, si jamais la
Providence le permet, auront de nouveaux désirs. Je dois ajouter, mes enfants
que vous ne devez point vous affliger du spectacle étonnant dont nous sommes
témoins. La foi ne s’allie point à ses terreurs ; le nombre des élus est
toujours fort petit. Craignez seulement que Dieu ne vous reproche votre peu de
foi et de n’avoir pu veiller une heure avec Lui. Je vous avouerai cependant que
l’humanité peut s’affliger, mais en vous faisant cet aveu, je dirai que la foi
doit se réjouir.
LES EXHORTATIONS DE DAMARIS AUX FIDELES
Dieu fait bien
toutes choses ; portez ce jugement, mes enfants, il est le seul qui soit
digne de vous. Les fidèles eux-mêmes le portaient lorsque le Sauveur faisait
des guérisons miraculeuses. Ce qu’il fait à présent est bien plus grand :
dans sa vie mortelle, il guérissait les corps ; actuellement, il guérit
les âmes et complète par la tribulation le petit nombre des élus.
Quels que soient
les desseins de Dieu sur nous, adorons la profondeur de ses jugements et
mettons en lui toute notre confiance. S’il veut nous délivrer, le moment est
proche. Tous s’élèvent contre nous : nos amis nous oppriment, nos parents
nous traitent en étrangers ! Les fidèles qui participent aux saints
mystères avec nous sont détournés par le seul regard. On craint de dire non
seulement que, comme nous, on est fidèle à sa patrie, soumis à ses lois, mais
fidèles à Dieu ; on craint de dire que l’on nous chérit, et même qu’on
nous connaît. Si nous sommes sans secours du côté des hommes, nous voilà du
côté de Dieu, qui, selon le prophète-roi, délivrera le pauvre du puissant et le
faible qui n’avait aucun secours. L’univers est l’ouvrage de Dieu ; il le
régit, et tout ce qui arrive est dans les desseins de sa Providence. Quand nous
croyons que la désertion va être générale, nous oublions qu’il suffit d’un peu
de foi pour rendre la foi à la famille de Jésus-Christ, comme un peu de
levain fait fermenter la pâte.
Ces événements
extraordinaires, où la multitude lève la hache pour saper l’ouvrage de Dieu,
servent merveilleusement à manifester sa toute puissance.
Dans tous les
siècles, on verra ce que vit le peuple de Dieu quand le Seigneur voulut, par
Gédéon, manifester sa toute puissance contre les Madianites. Il lui fit
renvoyer presque toute son armée. Trois cents hommes seulement furent
conservés, et encore sans armes, afin que la victoire fut visiblement reconnue
venir de Dieu. Ce petit nombre de soldats de Gédéon est la figure du petit
nombre des élus vivants dans ce siècle. Vous avez vu, mes enfants, avec
l’étonnement le plus douloureux, que la multitude de ceux qui étaient appelés
(puisque toute la France était chrétienne) le plus grand nombre, comme dans
l’armée de Gédéon, est demeuré faible, timide, craignant de perdre leur intérêt
temporel. Dieu les renvoie. Dieu ne veut se servir, dans sa justice, que de
ceux qui se donnent entièrement à Lui. Ne nous étonnons donc pas du grand
nombre de ceux qui Le quittent ; la vérité triomphe, quelque petit que
soit le nombre de ceux qui L’aiment et Lui restent attachés. Pour moi, je ne
forme qu’un vœu : c’est le désir de Saint Paul. Comme enfant de l’Eglise,
je souhaite la paix de l’Eglise ; comme soldat de Jésus-Christ, je
souhaite de mourir sous ses étendards.
Si vous avez les
ouvrages de Saint Cyprien, lisez-les, mes chers enfants, c’est surtout aux
premiers siècles de l’Eglise qu’il faut remonter pour trouver des exemples
dignes de nous servir de modèles. C’est dans les livres saints et dans ceux des
premiers défenseurs de la foi qu’il faut se former une idée précise de l’objet
du martyre et de la confession du nom de Jésus-Christ : c’est la vérité et
la justice, ce sont les objets augustes et immuables de la foi qu’il faut
confesser. C’est l’Evangile, car les instructions humaines, quelles qu’elles
soient, sont variables et temporelles ; mais l’Evangile et la loi de Dieu
tiennent à l’éternité. C’est en méditant cette distinction que vous verrez clairement
ce qui est de Dieu et ce qui est à César, car, à l’exemple de Jésus-Christ,
vous devez rendre avec respect, à l’un et è l’autre, ce que vous leur devez.
Toutes les
églises et tous les siècles sont d’accord : il ne peut y avoir rien de si
saint et de si glorieux que de confesser le nom de Jésus-Christ. Mais
rappelez-vous, mes enfants, que pour le confesser d’une manière digne de la
couronne que nous désirons, c’est dans le temps où l’on souffre davantage qu’il
faut faire paraître une plus grande sainteté. On ne trouve rien de si beau que
ces paroles de Saint Cyprien lorsqu’il loue toutes les vertus chrétiennes dans
les confesseurs de Jésus-Christ : « Vous avez toujours observé, leur
dit-il, le commandement du Seigneur avec une vigueur digne de votre
fermeté ; vous avez conservé la simplicité, l’innocence, la charité, la
concorde, la modestie et l’humilité ; vous vous êtes acquittés de votre
ministère avec beaucoup de soin et d’exactitude ; vous avez fait paraître
de la vigilance pour aider ceux qui avaient besoin de secours ; de la
compassion pour les pauvres ; de la constance pour défendre la
vertu ; de courage pour maintenir la sévérité de la discipline, et enfin
qu’il ne manquât rien à ces grands exemples de vertu que vous avez donnés,
voilà que par une confession et des souffrances généreuses, vous animez
hautement vos frères au martyre et leur tracez le chemin. »
J’espère, mes
chers enfants, quoique Dieu ne vous appelle pas au martyre, ni à aucune
confession douloureuse de son nom, pouvoir un jour vous parler comme il parlait
aux confesseurs Célerin et Aurèle, et louer en vous plus votre humilité que
votre constance, et vous glorifier plus de la sainteté de vos mœurs que de vos
peines et de vos plaies…
En attendant cet
heureux moment profitez de mes conseils et soutenez-vous vous-même par mon
exemple. Dieu veille sur vous. Notre espérance est fondée ; elle nous
montre ou la persécution qui finit ou la persécution qui nous couronne. Dans
l’alternative de l’une ou de l’autre, je vois l’accomplissement de notre
destinée.
Que la volonté de
Dieu soit faite, puisque de quelque manière qu’il nous délivre, ses
miséricordes éternelles se répandent sur nous.
Je finis, mes
chers enfants, en vous embrassant et en priant Dieu pour vous ; priez-Le
pour moi et recevez ma bénédiction paternelle, comme le gage de ma tendresse
envers vous, de ma foi et de ma résignation à n’avoir pas d’autre volonté que
celle de Dieu.
DEMARIS
QUELQUES REFLEXIONS PERSONNELLES
Ainsi se termine
la lettre adressée par ce prêtre exilé, pour sa foi en Jésus-Christ, et
destinée à consoler et réconforter les fidèles privés des sacrements. Elle
invite, à l’exemple de Jésus-Christ et des premiers chrétiens, à nous soumettre
à la volonté de Dieu en TOUT ce qu’il permet ou est voulu par Lui, car rien
n’arrive par hasard, rien n’échappe à la vue de Dieu. La Sainte Ecriture nous
affirme que « toutes choses coopèrent au bien
de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés saints selon son décret. »
(Romains VIII, 28) Oui, « TOUTES CHOSES » (les privations, les
souffrances) sont pour notre « BIEN » car tel est le « DECRET DE
DIEU » pour ceux qui « SONT APPELES SAINTS ». Soumettons-nous
donc comme Jésus-Christ s’est soumis à son Père jusqu’à la mort et à toutes les
souffrances qui l’ont précédée, Lui qui pouvait, en toutes circonstances, faire
appel à plus de douze légions d’anges pour le délivrer de toutes ses épreuves
(St Matthieu XXVI, 53)
Les empêchements
à la vie chrétienne nous mettent à l’épreuve non pour nous rebeller contre ceux
qui font obstruction (laïques ou religieux), mais pour exercer la sincérité de
notre amour pour Dieu et notre sainte obéissance à ce qu’Il permet.
La privation des
sacrements et des lumières des ministres de Dieu, permise par Dieu, ne pourra
jamais nous séparer de Lui si nous l’aimons car c’est la promesse formelle de
Jésus-Christ « Tout ce que le Père me donne viendra à moi, et celui qui
vient à moi, je ne le jetterai pas dehors » (St Jean VI, 37).
Dans la
perturbation de notre pratique habituelle et tranquille, voire routinière de la
piété, je considère cette privation comme une grande miséricorde de Dieu pour
nous avertir et nous préparer, par cette simple privation, à faire face à de
plus grandes épreuves alliant privation et persécution dans lesquelles nous
serons privés de tout secours humain, et, dans une telle situation, sans autre
possibilité que de nous en remettre entièrement à la miséricorde de Dieu, notre
seul recours. Que cette privation nous donne à réfléchir.
Aujourd’hui, nous
avons peut-être beaucoup d’amis (Internet ou autres) qu’en sera-t-il demain
lorsque l’orage grondera véritablement ? Jésus-Christ nous instruit
encore : Après vous avoir flatté, voire loué, se tiendront-ils à distance,
comme les Juifs avec Jésus après l’avoir accueilli comme un roi ?
Soyez prudent avec
ceux qui font consister leur piété à la saupoudrer d’injures, de grossièretés,
d’images ou de propos obscènes, ou, sincère dans leur piété mais désireux de
solutionner un problème en vous invitant à manifester ou à pétitionner, dont le
seul véritable intérêt sera de vous signaler aux Renseignements Généraux. Mais
refuser l’obéissance à l’autorité parce qu’on veut vous obliger à désobéir à un
commandement positif de Dieu est légitime : dans un tel cas nous devons
obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Actes V, 29)
René Pellegrini
(1) Lire 51, 19 dans les Bibles protestantes